L’élève dyslexique et dysorthographique et l’apprentissage d’une langue étrangère

Malgré les obstacles spécifiques liés à son trouble, la bonne maîtrise des langues étrangères représente pour l’élève dyslexique – comme pour ses pairs – un atout indéniable, voire incontournable pour sa future vie privée et professionnelle.

Les enseignants de langues trouveront ci-après une série de propositions qui prennent en compte les besoins spécifiques des élèves dyslexiques/dysorthographiques et qui seront également profitables à l’ensemble des élèves d’une classe et plus particulièrement à ceux qui rencontrent des difficultés d’apprentissage.

Le trouble dyslexique et/ou dysorthographique a des répercussions importantes non seulement sur l’acquisition du français, mais également sur celle des langues étrangères. Pendant les cours de langue étrangère, outre l’apprentissage d’un nouveau lexique et de nouvelles structures – l’élève se retrouve confronté à un système phonologique et à un environnement orthographique différents de celui qu’il connaît.

La difficulté d’acquisition sera fonction du degré d’opacité ou de transparence de la langue. La transparence versus l’opacité orthographique d’une langue représente le degré de correspondance entre l’orthographe et la phonologie de la langue, c’est-à-dire la correspondance entre la manière dont elle s’écrit et la manière dont elle se prononce à l’oral.

Une langue parfaitement transparente est une langue dans laquelle la correspondance entre graphèmes (la plus petite unité du système graphique destiné à transcrire les phonèmes) et phonèmes (la plus petite unité distinctive de la chaîne parlée) est univoque : à un phonème correspond un et un seul graphème et réciproquement.

  • L’italien et l’espagnol ont une orthographe plutôt transparente dans le sens où le recodage phonologique (transformation de phonèmes en graphèmes est assez simple ; en italien par exemple, 33 graphèmes servent à retranscrire les 25 phonèmes.
  • L’allemand présente des difficultés de recodage moyennes, son orthographe étant relativement transparente. Le son [i :] par exemple peut être transcrit de quatre manières différentes : /i/, /ie/, /ih/, /ieh/. Vous trouverez plus d’informations sur les sons allemands et leur prononciation sur le site internet du Groupe Romand pour enfants « dys », sons allemands

Par opposition, le français et l’anglais ont une orthographe plus opaque et complexe :

  • anglais : les 40 phonèmes peuvent être orthographiés de 1120 manières différentes. Le son [i :] par exemple peut être transcrit par les graphèmes suivants : /ie/, /e/, /ea/, /ee/, /ei/, /y/, /i/, /eo/, etc. L’opacité du système de correspondance de l’anglais apparaît également en lecture.
  • français : les 36 phonèmes sont transcrits par 170 graphèmes dont 70 fréquemment utilisés. Ainsi, 44 graphèmes sont possibles pour retranscrire le son [i :] : /hi/ dans hiver, /his/ dans ébahis, /hit/ dans il trahit, /ea/ dans leader (par emprunt de l’anglais), etc.

Le trouble de la dyslexie/dysorthographie porte essentiellement sur la conscience phonologique, la difficulté à décomposer un mot en sons (phonèmes), à transcrire les sons (c’est-à-dire à établir le lien entre phonèmes et graphèmes) et à automatiser ce processus. L’importance de ces difficultés varie d’une personne à l’autre, mais dans tous les cas, le coût cognitif généré par l’analyse phonologique et l’identification ou la transcription des mots écrits est grand et aura des répercussions sur les autres mécanismes qui doivent également être mis en place pendant la lecture et l’écriture.

Les activités permettant de pallier autant que possible le trouble dys- peuvent par conséquent se résumer en quelques principes fondamentaux :

  • favoriser un accès multisensoriel à la langue étrangère ;
  • travailler les régularités de la correspondance écrit-oral ;
  • entraîner et évaluer les différentes compétences langagières en parallèle.

Au même titre que ses pairs, l’élève dys- bénéficie en outre de toute activité visant à :

  • le sécuriser en proposant des structures claires ;
  • entraîner la mémoire.

La plupart des propositions suivantes font certainement déjà partie intégrante des moyens didactiques mis en œuvre par l’enseignant pendant les cours. Il peut cependant être utile d’en dresser l’inventaire dans la perspective d’une pédagogie différenciée adaptée aux élèves dyslexiques/dysorthographiques qui les aide à développer des stratégies compensatoires.

La liste ci-dessous contient un ensemble de propositions susceptibles de soutenir l’élève dys- , et plus généralement l’ensemble des élèves, dans son apprentissage d’une langue étrangère. Relevons néanmoins, que tous les élèves dys- ne présentent pas les mêmes difficultés et que les outils indiqués seront plus ou moins efficaces en fonction de leurs profils.

Aussi, l’enseignant choisira et ajustera-t-il parmi les activités proposées celles qui répondent le mieux aux besoins différents des élèves et aux objectifs de son enseignement.

Accès multisensoriel à la langue étrangère

  • proposer des supports oraux (enregistrements du vocabulaire, livres audio, etc.) et visuels (code de couleur, gestuelle, films, etc.) :
  • illustrer le propos par des objets, croquis, photos et schémas ;
  • intégrer des jeux et activités ludiques (bingo, memory, jeux de rôle, activités communicatives drôles ou inhabituelles).

Mise en évidence des régularités de la correspondance écrit-oral

  • permettre à l’élève d’appréhender le système phonologique de la langue étrangère comme un système structuré et logique en mettant l’accent sur les régularités ;
  • associer le travail phonologique et de différenciation des sons à une activité corporelle, à un code gestuel ou de couleur (ex. : les mains se rapprochant pour illustrer un son court, etc.) ;
  • mettre en évidence les règles de prononciation et de transcription (phonics rules) et y faire référence régulièrement ;
  • développer les connaissances de la morphologie de la langue (étude de la composition et de la formation des mots : suffixes, terminaisons de conjugaison, mots composés, etc.) ;
  • consolider le rapport visuel-oral et entraîner la mémoire phonologique à court terme :
    • les élèves épellent à haute voix les mots susceptibles de poser problème avant de les écrire ;
    • les élèves épellent les mots dans leur tête ou les visualisent comme sur un panneau lumineux à défilement ;
  • faire apprendre par cœur les mots usuels irréguliers ;
  • éviter le « tout oral » mais travailler au contraire systématiquement le lien écrit-oral.

Entrainement et évaluation des différentes compétences langagières en parallèle

Compréhension orale

  • veiller à un environnement tranquille lors des exercices de compréhension orale car, dans un environnement bruyant, l’élève dys- a plus de difficultés à diriger son attention vers le locuteur ;
  • mettre l’élève au premier rang ;
  • relever les mots porteurs de sens et l’information principale pour permettre à l’élève de mieux comprendre un énoncé oral et ne pas surcharger la mémoire à court terme. L’élève retiendra d’abord l’information principale, le travail d’appropriation complète de l’énoncé entendu se faisant dans un deuxième temps ;
  • faciliter la compréhension des textes d’écoute par la mise à disposition de supports écrits comportant des mots-clés ;
  • baser la recherche du sens également sur l’intonation et l’accentuation (expression des sentiments et des émotions).

Expression orale

  • veiller à une bonne prononciation ;
  • exercer la prononciation par la lecture à voix haute (travail par deux, par petits groupes, mais pas devant toute la classe !). Celle-ci permet d’associer la reconnaissance visuelle, la reconnaissance auditive et l’activité musculaire, facilitant ainsi la mémorisation ;
  • varier et faire varier la qualité de la voix : chuchoter, crier, parler d’une voix triste, gaie, etc. ;
  • exercer le rythme, l’accentuation et corriger les erreurs dues à un phrasé français ;
  • favoriser le travail entre pairs.

Compréhension écrite

  • faciliter la compréhension des lectures par une phase de préparation : introduction à la thématique, présentation des personnages, rappel des structures et mots connus, etc. ;
  • illustrer le propos par des objets, des croquis, photos et schémas ;
  • dans la mesure du possible, donner à l’élève une copie ou un condensé des indications ou textes écrits au tableau ou sur le rétroprojecteur ;
  • pour accompagner la lecture au secondaire, proposer des enregistrements des livres étudiés. (voir lien …) ;
  • faciliter le décodage par l’utilisation d’une règle comme guide de lecture, certains élèves dys- ayant des difficultés à fixer les mots avec les yeux et à suivre les lignes (phénomène de sauts de lignes) ;
  • travailler les syllabes, attaques et rimes ;
  • privilégier la lecture syllabique pour faciliter la compréhension (p.ex. : /sa/tur/day/).

Expression écrite

  • pendant l’écriture, inviter les élèves à articuler les mots (à voix basse ou haute), le travail des muscles articulatoires soutenant la mémorisation ;
  • pendant la rédaction, autoriser l’élève à se référer à ses fiches de vocabulaire, aux récapitulatifs grammaticaux, ainsi qu’à son aide-mémoire personnel.

Mise en confiance des élèves en proposant des structures claires

  • structurer le cours et expliciter cette structure clairement aux élèves ;
  • distinguer explicitement les situations d’évaluation des situations d’apprentissage, lors desquelles l’élève a le droit de faire des erreurs ;
  • mettre en évidence les éléments essentiels, de base, pour permettre à l’élève de construire l’acquisition de la langue étrangère sur un socle solide ;
  • expliciter les structures à l’aide de nombreux exemples ;
  • pendant les cours, favoriser l’utilisation de documents de référence (tableaux, schémas récapitulatifs, notes personnelles de l’élève, fiches de vocabulaire, etc.)
  • proposer à l’élève d’utiliser des supports informatiques pour le travail à domicile (la présentation est plus lisible, l’ordinateur permet de se corriger au moyen d’un correcteur d’orthographe) ;
  • ne pas exclure pour autant l’écriture à la main (qui favorise la mémorisation).

Entrainement à la mémoire

  • proposer au minimum une activité de mémorisation par cours. Différentes techniques peuvent soutenir celle-ci : illustrations, mise en évidence par un code de couleur, la gestuelle, le backward building , la suppression successive d’éléments de la notion à mémoriser, etc. La préparation d’une telle activité peut être largement facilitée par l’utilisation du PowerPoint, et par le travail en salle multimédia (dialogues préenregistrés, etc.) ( le backward building est un exercice basé sur la répétition d’un mot ou d’une structure à partir de la dernière syllabe (p.ex. roo – garoo – kangaroo) ou du dernier mot (p. ex. there – are there – kangaroos ar ther – many kangaroos are there – How many kangaroos are there ?) ;
  • proposer régulièrement des aides mnémotechniques et encourager les élèves à en trouver eux-mêmes ;
  • inciter l’élève à constituer un aide-mémoire personnel et l’autoriser à s’y référer lors des exercices et des évaluations (à condition que l’enseignant l’ait validé auparavant).

Différentiation pédagogique lors de l’acquisition du vocabulaire et des structures grammaticales

De nombreux jeunes rencontrent des difficultés devant l’acquisition du vocabulaire et des structures grammaticales. Vous trouverez ci-dessous une série de suggestions dont certaines répondent plus particulièrement aux besoins des élèves dyslexiques/dysorthographiques, d’autres sont de l’ordre de la différenciation de l’enseignement et s’adressent tout autant à leurs pairs.

Acquisition du vocabulaire

Moyens didactiques adaptés tout particulièrement aux élèves dys- :

  • proposer des supports oraux pour faciliter l’apprentissage du vocabulaire (enregistrement du vocabulaire, logiciels adaptés, dictionnaires en ligne) ;
  • dans les listes des mots à apprendre, indiquer les traductions et non uniquement des définitions et descriptions dans la langue étrangère ;
  • encourager l’apprentissage du vocabulaire à l’aide de fiches complétées à la main ou sur ordinateur (imprimées et collées) ;
  • transmettre aux élèves les listes de vocabulaire à apprendre sous format électronique (au moyen d’une clé USB par exemple). Les élèves pourront ainsi les adapter plus aisément à leur propre méthode d’apprentissage (fiches, listes organisées selon des critères propres susceptibles de faciliter l’apprentissage, mise en évidence des difficultés ou au contraire des régularités, etc.) ;
  • encourager l’apprentissage du vocabulaire à l’aide de fiches complétées à la main ou sur ordinateur (imprimées et collées) ;
  • ne pas faire apprendre en même temps des termes très semblables (who, where, what, etc.), pour éviter des confusions phonologiques et orthographiques ;
  • se référer à l’étymologie des mots pour expliquer les différences entre la graphie et la prononciation ;

Moyens didactiques facilitant largement l’acquisition du vocabulaire et adaptés à une pédagogie de la différenciation :

  • mettre en évidence les mots à retenir ;
  • veiller à la correspondance grammaticale entre les mots, expressions et phrases à acquérir et leur traduction en français ;
  • indiquer les difficultés et irrégularités au moyen d’un surlignement ou d’un code de couleur ;
  • spécifier les formes de conjugaison difficiles, le déterminant et le pluriel ;
  • hiérarchiser les apprentissages : différencier les mots de vocabulaire essentiels (de base) des ceux qui peuvent être considérés comme « secondaires » ;
  • proposer à l’élève de poser les fiches de vocabulaire sur le pupitre et de s’y référer pendant les phases de travail ;
  • faire apprendre les structures syntaxiques complètes pour éviter que l’élève n’en oublie une partie de la structure (ex : present tense progressive : am, is, are + le verbe + terminaison « ing ») ;
  • classer les mots par familles, par champs lexicaux, etc. ;
  • présenter les verbes irréguliers par « famille » de conjugaison ;
  • utiliser les qualités onomatopéiques des mots, en jouant sur la longueur des voyelles, sur l’intonation et l’accentuation et sur la gestuelle (to slam or to bang the door / klatschen / quietschen / schnell / to sleep) ;
  • se référer plus particulièrement à l’origine latine ou française des mots, tout en prenant bien soin de mettre en évidence les différences orthographiques et de prononciation :
    • mots dérivés directement du français (das Portemonnaie, die Dusche, …)
    • mots anglais dont l’équivalent français prend un accent circonflexe (forest, hospital, …)
    • mots anglais prononcés avec un magic e (satellite, specialize, tube, animate, ….) ;
  • encourager les élèves à répartir l’apprentissage du vocabulaire dans la semaine.

Acquisition des structures grammaticales

Une bonne maîtrise des structures grammaticales permet souvent à l’élève dys- d’améliorer ses résultats scolaires et de compenser les obstacles rencontrés en lecture et en orthographe.

Les propositions ci-dessous soutiennent cet apprentissage. Elles s’adressent tout autant aux élèves dys- que leurs pairs se trouvant en difficultés dans ce domaine.

Il est par conséquent important de :

  • permettre à l’élève d’appréhender le système syntaxique de la langue étrangère comme un système structuré, logique et obéissant à des règles explicites ;
  • mettre l’accent sur cette régularité plutôt que sur les exceptions ;
  • pour faciliter leur compréhension, donner les explications grammaticales en français plutôt que dans la langue étrangère ;
  • illustrer les règles grammaticales par de nombreux exemples ;
  • éviter de découper les chapitres grammaticaux en de trop petits éléments, car l’élève doit pouvoir garder une vue d’ensemble ;
  • proposer de nombreux exercices pour permettre la consolidation des structures grammaticales : exercices de communication orale mais également exercices écrits ;
  • revenir régulièrement aux structures grammaticales de base.

Différentiation de l’évaluation

L’évaluation représente toujours un moment critique – pour l’élève dyslexique/dysorthographique comme pour ses pairs. Il est par conséquent important de mettre en place différentes stratégies permettant d’attester de leurs connaissances et de leurs compétences, en dépit des obstacles et difficultés propres à chacun d’eux, et sans pour autant altérer la valeur de cette évaluation.

Lors des tests, épreuves ou examens, pour pallier son trouble, l’élève dys- peut bénéficier d’un certain nombre d’aménagements spécifiques, à savoir :

  • utiliser un aide-mémoire personnel – à condition que celui-ci ait été auparavant validé par l’enseignant ;
  • se référer à un dictionnaire d’orthographe monolingue chaque fois que le contenu de l’évaluation ne porte pas sur l’orthographe ;
  • si nécessaire, faire vérifier la compréhension des consignes ;
  • compléter les évaluations écrites par des interrogations orales notées (au début du cours p.ex.) .

Comme ses pairs, l’élève dys- tire en outre largement partie des mesures didactiques suivantes :

  • évaluer les cinq activités langagières (compréhension et expression orales, compréhension et expression écrite, interaction orale) et pas seulement l’écrit ;
  • proposer des évaluations clairement structurées ;
  • lors de la phase de correction, cibler celle-ci sur une partie des erreurs seulement, selon des critères établis (par l’élève ou par l’enseignant) ;
  • proposer également une évaluation positive basée sur ce que les élèves savent faire plutôt que sur les fautes, en mettant en évidence les progrès et les notions maîtrisées.

En savoir plus

  • Nijakowska, J. (2010). Dyslexia in the Foreign Language Classroom. Bristol ; Buffalo ; Toronto, Multilingual Matters.
  • Romonath, R., & Wahn, C. (2006). Fremdsprachenlernen mit Legasthenie : Evidenzbasierte Förderung und Therapie dans R. Bahr & C. Iven (Eds.), Sprache, Emotion, Bewusstsein. Beiträge zur Sprachtherapie in Schule, Praxis, Klinik. (pp. 485-494).
  • Idstein : Schluz-Kirchner. Romonath, R., Wahn, C., & Gregg, N. (2005). Phonologische und orthographische Verarbeitungsfähigkeiten in der Worterkennung und Rechtschreibung legasthener Jugendlicher und junger Erwachsener im Deutschen und Englischen. Neue Erkenntnisse zum Fremdsprachenlernen, Folia Phoniatrica Logopaedica, 57(2), 96-110.
  • Sellin, K. (2004). Wenn Kinder mit Legasthenie Fremdsprachen lernen, München, Reinhardt Verlag.