Ce trouble est difficilement identifiable pour un enseignant car ses manifestations sont variables dans leurs expressions et dans le temps. De plus, certaines d’entre elles ne tranchent pas vraiment avec l’irritabilité habituelle d’adolescents ordinaires confrontés à certaines limites. Cet article donne quelques outils qui permettront aux enseignants de mieux appréhender l’entier de cette problématique et d’adopter plus facilement la bonne posture face aux attitudes de ces élèves en classe.

Le trouble bipolaire cause une discontinuité importante dans les relations sociales. Pendant les phases maniaques, ces patients manifestent une grande avidité relationnelle, mais le comportement désinhibé et désorganisé ne permet pas de relations sociales stables. Lors de leurs phases dépressives, ils manifestent un retrait social qui concourt aussi à détruire leurs liens sociaux. Au fil du temps, il s’installe autour d’eux un désert relationnel. Cette situation est particulièrement dramatique à l’adolescence, car ils se coupent ainsi des échanges avec les pairs, qui est essentiel au développement du sujet à cette phase de la vie.

Au niveau de la vie scolaire, l’adolescent peut exprimer ses troubles soit par un trouble du comportement pendant la phase maniaque ou par un aspect d’absentéisme scolaire pendant la phase dépressive. La difficulté principale de l’expression du trouble bipolaire sur le mode du trouble de comportement est que ces troubles ne se décalent pas toujours très clairement de l’irritabilité des adolescents ordinaires confrontés aux limites. Il est très difficile dans un cadre scolaire non sensibilisé à cette problématique de détecter ces adolescents. Le piège de l’institution scolaire est de s’inscrire très rapidement vis-à-vis de ces adolescents dans une escalade de sanctions qui participent à la péjoration du trouble.

Par rapport aux apprentissages, les troubles bipolaires peuvent progressivement mettre ces adolescents en situation d’échec scolaire. Les épisodes de décompensation tant maniaque que dépressive réduisent l’efficience des processus d’apprentissage chez l’adolescent. La prise en charge médicale des troubles avec notamment les phases d’hospitalisation que cela peut comporter, crée de la discontinuité dans la fréquentation scolaire. Une autre problématique est que les périodes d’examen, avec le stress inhérent à cette situation, sont souvent des facteurs de décompensation. A cause de ces décompensations, les adolescents ne valident fréquemment pas leur acquis scolaires et n’atteignent pas la certification indépendamment de leurs capacités effectives.

Attitude, action, rôle des enseignants

Bien que le traitement soit principalement d’ordre médical, les enseignants peuvent avoir un rôle clé à jouer. Le trouble bipolaire causant une discontinuité importante dans les relations sociales et la posture par rapport aux apprentissages, une meilleure connaissance des répercussions du trouble dans le cadre scolaire permet ainsi à l’école d’accompagner au mieux l’élève.

Étant donné la complexité de ce trouble et le fait que l’enseignant ne devant aucunement être considéré comme spécialiste dans ce domaine, il ne doit par conséquent pas hésiter à s’adresser soit aux parents de l’élève soit aux personnes du réseau de soutien en place dans son établissement et de leur faire part de ses observations et questionnements.

Comme dans les autres situations où l’élève est en difficulté importante, une collaboration avec l’élève et ses parents (et, dans la mesure du possible, avec les spécialistes impliqués) est indispensable.

Ces contacts permettent d’instaurer une relation de confiance et d’écoute permettant souvent d’éviter que l’élève qui souffre de trouble bipolaire n’entre dans la spirale de l’exclusion et de garder le contact en particulier pendant les phases dépressives ou lors des phases d’hospitalisation.