Retour sur le colloque PraTIC: épisode 1

Si un thème a occupé les enseignantes et enseignants au cours de l’année scolaire qui s’achève, c’est bien évidemment celui de l’Intelligence Artificielle. Je vous propose un retour sur le colloque PraTIC, organisé conjointement par TECFA, l’IUFE et le SEM, qui a vu près de 200 enseignantes et enseignants, chercheurs, chercheuses, profs en formation et autres personnes intéressées se presser dans un auditoire de Sciences II puis dans les locaux du SEM le 4 avril dernier.

Ce colloque connaissait sa sixième édition sous le titre Intelligence artificielle et éducation. Réflexion, pratiques, enjeux. Tentative de compte rendu… en plusieurs épisodes.

Ce premier post d’une série de trois porte sur la conférence d’ouverture de Micha Hersch, professeur associé à la Haute Ecole Pédagogique du Canton de Vaud et enseignant d’informatique au gymnase de Renens: “Entre intelligence et artifice, quel horizon pour l’école?”

Micha Hersch commence par recontextualiser les avancées récentes de l’IA. Celles-ci s’inscrivent d’abord, selon lui, dans une histoire culturelle marquée par un certain nombre de fantasmes, qui remontent au mythe du Golem. Dans une histoire plus récente, l’IA telle que nous la voyons se déployer aujourd’hui est le produit du développement des ordinateurs et des premiers robots apparus dans les années 1940.

La montre et le thermostat

Ce champ de recherche est marqué par une opposition entre deux modèles, ce que Micha Hersch synthétise en parlant de deux paradigmes, celui de la montre et celui du thermostat. Le paradigme de la montre consiste à produire une fois pour toutes un système conçu pour réaliser une tâche de la manière la plus performante possible. Cette approche, dite symbolique, connaît son point culminant en 1997, avec la victoire de Deep Blue contre Garry Kasparov.

Par opposition, le paradigme du thermostat correspond à une approche dite connexionniste, dans laquelle un système – un réseau de neurones – est mis en situation d’apprendre par interaction avec un milieu.

Dans l’extrait suivant, Micha Hersch explique comment fonctionne ce processus, que l’on nomme deep learning:

Micha Hersch souligne que le paradigme du deep learning, aujourd’hui dominant, a été massivement investi par des sociétés privées, ce qui s’explique par les ressources très importantes qui sont nécessaires dans ce domaine, au détriment de la recherche publique.

Du point de vue de l’école, le point sensible de l’IA réside, comme pour toute technologie nouvelle, dans son déploiement. Que va-t-on faire de ces outils et des nouvelles possibilités qu’ils ouvrent? Au cours de son histoire, l’institution scolaire a connu de nombreuses phases d’adaptation, mais elle est aujourd’hui peu préparée aux nouvelles configurations cognitives, relationnelles et sociales qui pourraient résulter de ce développement. Micha Hersch insiste sur l’importance, pour les enseignantes et les enseignants, de se saisir de cette question, à un moment marqué par une grande incertitude. Des précédents montrent qu’il est toujours plus facile d’imaginer ce qu’il y a à perdre que ce qu’il y a à gagner en de pareils cas.

Comment l’école peut-elle se préparer?

A cette question, Micha Hersch répond par un retour nécessaire à des fondamentaux. Il convoque quatre grandes figures de la pédagogie: Célestin Freinet pour la visée émancipatrice de l’école. Janusz Korczak pour l’affirmation de ses valeurs démocratiques et solidaires. Maria Montessori, dont il retient l’importance d’ancrer les apprentissages dans une réalité physique et biologique. Enfin, Seymour Papert pour son injonction à conserver la maîtrise du plus grand nombre sur le devenir de l’informatique. Écoutez cette partie de la conférence ici:

La conférence se conclut par une mise en garde contre trois écueils qui guettent le monde de l’éducation. Le premier de ces écueils est la tentation du contrôle. Le deuxième, une certaine fascination pour l’IA pouvant résulter d’un oubli du fait que le savoir est et reste humain avant tout. Le troisième est une tendance à vouloir aider les gens malgré eux, ou sans leur consentement. Selon Micha Hersch, il est essentiel que l’IA soit introduite à l’école de manière concertée et discutée.

Des questions dans la salle

La parole est ensuite à l’assistance pour une série de questions, qui portent pour l’essentiel sur le potentiel d’aliénation que représente l’IA et sur l’évolution du marché du travail d’une part, du rôle de l’école d’autre part. Écoutez une question d’auditeur et la réponse de Micha Hersch dans cet extrait:

La journée s’est poursuivie au SEM avec deux séries d’ateliers puis une table ronde. Suite du compte rendu dans un prochain épisode!

Photographies: Yanko Michel

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