Pour qui s’intéresse à ce que le numérique fait à la didactique de la littérature, la bibliothèque de référence est encore assez maigre. Je vous propose un compte-rendu de deux ouvrages relativement récents. Ils n’ont peut-être pas leur place au bord de la piscine. Mais enfin la période estivale reste parmi celles où les lectures plus académiques sont envisageables.
Le premier, intitulé L’enseignement de la littérature à l’ère du numérique, est dû à Magali Brunel, spécialiste de la didactique de la littérature qui mène depuis une dizaine d’années des recherches sur le renouvellement provoqué par le numérique. Ce volume de près de 350 pages est articulé en trois grandes parties. Dans les deux premières, Magali Brunel définit le cadre théorique et institutionnel de sa recherche, puis dresse un état des lieux des usages effectifs du numérique par les enseignant·e·s de littérature. Elle propose également des réponses à quelques questions fondamentales sur l’évolution des pratiques lectorales. La lecture sur écran est-elle encore de la lecture?
Deux expérimentations
La troisième partie rend compte de deux expériences. L’une est centrée sur la pratique de l’écriture de la greffe, l’autre sur la fanfiction comme support pour le développement d’une posture d’auteur en parallèle à la lecture.
Dans les deux cas, un protocole tout à fait scientifique a été mis en place. Une classe test a bénéficié d’un dispositif numérique, tandis qu’une classe témoin s’en est tenue à des méthodes plus traditionnelles. L’objectif était de vérifier l’hypothèse selon laquelle le numérique apporte une plus-value en termes d’apprentissages.
L’analyse des résultats, très nuancée, met néanmoins en évidence un réel bénéfice du numérique. Celui-ci est mesurable tant qualitativement que quantitativement. Par ailleurs, l’expérimentation mise en œuvre par Magali Brunel éclaire le fait que l’outil numérique n’est jamais neutre. Il n’est donc pas question de transposer telle quelle une approche traditionnelle sur des écran. Selon elle, c’est plutôt aux pratiques enseignantes de la littérature d’évoluer pour tirer le meilleur parti de la nouvelle donne numérique. Le chantier qui s’ouvre est immense et passionnant.
Un collectif
Le second ouvrage est un collectif édité par Vincent Capt, Mathieu Depeursinge et Sonya Florey sous le titre L’enseignement du français et le défi du numérique. Tout comme le précédent, il présente l’intérêt d’une approche qui croise théorie et expériences, mais avec un ancrage institutionnel moins hexagonal. Il rassemble en effet les contributions d’un douzaine d’auteur·e·s rattaché·e·s aux Universités de Namur, Genève, Rennes, Neuchâtel, Bruxelles, Lille, ou encore à la HEP Vaud. Les champs étudiés sont variés et complémentaires: identité numérique en lien avec l’activité sur les réseaux sociaux (Nathalie Gillain), oralisation d’un texte patrimonial (Bernard Schneuwly et Christophe Ronveaux), glose numérique (Yves Renaud), écriture collaborative (Valery Rion), pratiques argumentatives dans les forums adolescents (Caroline Scheepers), usages et approche critique des MITIC dans la formation des enseignant·e·s (Bruno Védrines). Une postface de Cédric Fluckiger explore la complémentarité des didactiques du français et de l’informatique et s’interroge sur l’avènement d’un humanisme numérique. Cela dit, cet ouvrage très riche ne se contente pas de nourrir une réflexion générale et critique, puisqu’on peut aussi, par exemple, y trouver une inspiration pour l’utilisation de Prezi, un outil dont il a plusieurs fois été question ici même.
L’éditeur Peter Lang propose un téléchargement gratuit de ce volume en PDF et ePUB.
Pour qui préfère le papier, les deux ouvrages dont il a été question ici sont disponibles dans BiblioDIP, le catalogue des bibliothèques scolaires du DIP. Attention quand même aux taches de crème solaire.
Bonnes lectures et bel été!
Références
Brunel, M. (2021). L’enseignement de la littérature à l’ère du numérique. Rennes, France: Presses universitaires de Rennes.
Capt, V., Depeursinge, M., et Florey, S. (Eds.). (2020). L’enseignement du français et le défi du numérique. Berne, Suisse: Peter Lang.