Découpe laser ou fraisage numérique ?

Logiciels utilisés : Inkscape
Machines utilisées : Sienci Mill-1 et Flux Beambox pro

Résumé :

Création de pièces pour bâtiments modulables de table de jeu.

Avant propos.

Il ne s’agit pas ici d’un tutoriel complet mais d’un exemple mettant en évidence les avantages des deux types de machine (découpeuse laser vs fraiseuse numérique).

Il s’agit d’un projet personnel réalisé sur des machines privées (mais équivalentes à celles à disponible au SEM Lab ou chez nos partenaires).

Malgré l’automatisation d’une grande partie de la fabrication, certaines étapes sont réalisées manuellement.

 

Découpe laser ou Fraisage numérique ?

Au début de chaque projet, il est pertinent de penser aux étapes de fabrication. Dans quel matériau sera-t-il produit ? Avec quelle machine ? Pour nous aider dans ce dernier choix, passons d’abord en revue les avantages/inconvénients de chaque machine :

  • La découpeuses laser : très facile à appréhender et à utiliser, plutôt rapide (si on parle d’une laser CO2 d’au moins 30W) et très précis (le diamètre du rayon est d’environ 0,2mm). Son principal désavantage c’est son prix (ou dans notre cas, sa disponibilité) et, qu’on a malheureusement que 2 options : découpe et gravure, ce qui donne des pièces plus proche de la 2D que de la 3D.
  • La fraiseuses numériques 3 axes : très polyvalentes, possibilité de fraiser à plusieurs profondeurs différentes de façon propre, plutôt rapide et on en trouve des pas chères tout à fait performantes. Le principal désavantage est la difficulté d’utilisation (ce n’est pas une machine pour débutants). On pourrait aussi citer leur manque de finesse dans le travail ou l’obligation de finition manuelle, mais ce n’est pas réellement qu’elles en soient incapable, c’est juste qu’on sort de leur utilisation optimale (on parle ici de machines 3 axes de type «hobby», on ne parle évidemment pas de fraiseuses pro à 5-6 axes sur lesquelles on produit des moules d’injection plastique ou des pièces d’aéronautiques).

Si ces machines ont chacune leurs avantages, le choix du matériau va également influencer le choix de la machine. Par exemple, il n’est pas possible de découper de l’aluminium avec une découpeuse laser CO2 (il faut des laser-fibres qui ne nous sont pas accessibles), alors qu’un fraisage est possible même sur une fraiseuse « amateur ». Dans mon cas, le matériau n’intervient pas vraiment, car il s’agit de bois MDF de 6mm d’épaisseur qui convient aussi bien à l’une ou à l’autre des machines. Je fais donc le choix d’utiliser les 2 machines pour la réalisation de mes pièces, afin de profiter du meilleur des deux mondes : la précision et la propreté de la découpe-laser et l’exploitation de la profondeur de la fraiseuse numérique.

 

Résumé des étapes de « CAO » :

Comme toujours, je commence par la prise de mesure et la création d’un croquis pour clarifier mes idées. Dans les éléments imposés, il y a mes dimensions (100x75mm), la nécessité d’un système d’assemblage et une certaine cohérence de la taille des «ouvertures» (fenêtre, porte ou rien). Voici donc mon premier croquis :

Passons maintenant à la modélisation numérique. Mon projet étant en 2,5D j’ai la possibilité de le réaliser sur un logiciel CAO 2D (comme Inkscape) ou un logiciel de CAO 3D (comme OnShape). J’ai fait le choix d’Inkscape car le projet est simple et qu’il me permet de mieux détailler les étapes importantes et mes choix (bref, il est plus intéressant pour cet article).

Inkscape n’étant pas un logiciel de dessin technique (CAO), mais de dessin artistique (DAO), je vais m’aider d’une grille (de 2,5mm), du magnétisme et, des quelques paramètres disponibles, pour respecter les contraintes géométriques de mon design. Rapidement j’arrive à cela :

 

Résumé des étapes de « FAO » :

Je passe maintenant aux étapes de préparation à la fabrication (FAO). Sachant que je vais utiliser les 2 technologies, j’imagine une création en 2 temps :

  1. Laser : gravure d’éléments fins et découpe de la forme (et des ouvertures).
  2. Fraiseuse : fraisages des surfaces selon 2 profondeurs.

Comme le MDF n’est pas le bois qui donne le meilleur rendu au fraisage (vu son côté fibreux désordonné) et que je compte privilégier le rendu du fond (et donc l’utilisation d’une fraise «upcut» – plus commune), je vais profiter du laser pour améliorer le rendu du bord supérieur (qui serait privilégié avec une fraise «downcut» – plus rare) en gravant ces bords. Après tout, quitte à utiliser les 2 technologies, autant profiter du meilleur des 2 mondes.

Commençons donc par la préparation pour la laser. Chaque couleur utilisées va pouvoir recevoir des paramètres de vitesse (de déplacement), d’intensité du laser (et sur les modèles plus professionnel que le mien, de fréquence, puisque le laser CO2 est un laser pulsé), et du nombre de passe (c’est surtout important pour des planches très épaisses mais la plupart du temps on essaye de ne faire qu’une seule passe). Une forte puissance et une vitesse lente permet de traverser une épaisseur plus importante.

Comme dans mon cas je pars sur 3 réglages (découpe complète, gravure «balayage» et découpe incomplète, autrement dit « gravure vectorielle »), je vais donc préparer mes éléments pour que cela correspondent. Pour la partie gravure et la découpe extérieure, il n’y a aucune difficulté, ces éléments n’étant fabriqué qu’avec la découpeuse laser.

La principale difficulté consiste à faire coïncider la gravure des bordures de découpe avec les bordures de fraisage. Il faut donc réaliser un décalage (« offset« ) par rapport au tracé d’origine. Dans mon cas, j’avais choisi de modéliser mes formes en utilisant dès le départ un contour de 3mm (car c’est le diamètre de la fraise que je vais utiliser). En faisant cela, j’obtenais de jolis arrondis sur les coins de mes formes. Le design d’origine est donc plus propice à la fabrication par la fraiseuse que par la découpeuse laser (instinctivement, on procède généralement de façon inverse). Toutefois qu’on réalise l’offset pour la fraiseuse ou pour la découpeuse, le principe est le même.

Si ce type d’opération est très facile (voir automatique) sur les logiciels de CAO, ce n’est pas le cas d’Inkscape. L’opération n’est cependant pas très compliquée : il suffit d’utiliser l’opération « Contour en chemin » après avoir paramétré la bonne épaisseur du contour, puis de supprimer le tracé inutile (après les avoir séparés).

Retrouvez le détail de cette astuce (et d’autres) dans la partie en-ligne de la FC SEM-10416 « Inkscape dans la fabrication numérique ».

Après mes quelques adaptations, me voilà avec le fichier suivant :

Vous aurez remarqué que j’utilise 5 couleurs et non 3 comme annoncé précédemment. La raison est simple, comme les paramètres de découpe sont définis dans le logiciel de contrôle de la découpeuse, je peux à partir d’un seul fichier SVG, créer les 3 types de pièces.

Avant de passer à la suite, je réalise un test sur une chute de contreplaqué de peuplier de 6mm d’épaisseur.

Contreplaqué ou MDF ?

Le MDF est un bois recomposé à partir de sciure et de colle. Les petits morceaux de bois le composant sont organisés de façon désordonnée (on ne retrouve donc pas les « veines » caractéristiques du bois naturel). Il est plus dense (donc mois facile à couper), solide et stable face aux changements d’humidité (il ne vrille donc pas facilement, mais n’est pas submersible pour autant) que le bois naturel.

Le contreplaqué est également un bois recomposé. De très fine planche (lamelle) de bois sont collées l’une à l’autre en croisant les fibres à 90°. Si le croisement des fibres offre une solidité plus homogène que le bois naturel, il reste sensible aux changement d’humidité (il vrille donc facilement), mais présente un aspect bien plus naturel que le MDF.

Pour ce projet j’ai choisi le MDF car les fibres désordonnées du MDF simuleront mieux le « béton » que les fibres naturelles du contreplaqué. Etant moins dense, le contreplaqué aurait été plus rapide à découper. Comme il s’agit de petites pièces, la stabilité au changement d’humidité n’est pas très importante.

Passons maintenant à la seconde étape, la préparation du fraisage. La pièce étant coupée initialement au laser, seul le fraisage des cavités internes doit être préparé. Ayant préparé mes formes avec un contour de 3mm, je n’ai rien à faire de plus pour le pourtour, mais fraiser une surface implique de la remplir par un chemin continu. Le plugin GcodeTools peut générer ce chemin, mais il ne le fait pas très bien. Je décide donc d’utiliser ma grille pour créer ceux-ci. Pour rappel, ma grille mesure 2,5mm et ma fraise 3mm, cela créera donc un léger chevauchement entre les passages, optimisant ainsi la vitesse et le résultat.

Une fois tous les tracés créés, j’exporte le G-code puis je réorganise avec un éditeur de texte (Gedit) le fichier pour optimiser les déplacements. J’utilise un simulateur (CAMotics) pour m’aider aux corrections.

Dans mon cas, je fais 2 choix important :

  • La cavité centrale (mur/porte/fenêtre) sera fraisée en 2 temps en commençant par la partie inférieure. Ainsi pour les pièces de type « fenêtre » et « porte », je n’aurai qu’à interrompre le fraisage avant la fin pour ne pas perdre de temps.
  • Les zones profondes seront fraisée avant les zones médianes afin d’obtenir une belle qualité du bord intermédiaire (car j’utilise une fraise upcut qui crée un beau fond mais un bord flou).

Voici le résultat du fichier G-code sous le simulateur :

Si le Gcode est opérationnel, il reste quand même quelques détails à régler. En effet, pour pouvoir enchaîner les pièces sur la fraiseuse, je vais me créer un gabarit, histoire de gagner du temps entre les pièces (en m’épargnant la remise à zéro à chaque changement). Je me crée donc un nouveau fichier dérivé de celui prévu pour la laser. J’ajoute des points de fixation (correspondant au plateau de ma fraiseuse), un référentiel pour le point zéro et, pour ne pas gâcher, j’en profite pour faire une pièce (vu que de toute façon c’est là où elles seront placées).

Après l’ajout de fixations rapides (fait dans un vieux bouts de plastique) et de cavités pour retirer les pièces (j’aurai dû les ajouter dès le début lors de la découpe laser), mon gabarit est prêt et le test peut donc continuer.

Tout s’étant bien déroulé, je passe donc au test dans le MDF (avec la pièce découpée dans le gabarit), celui-ci étant concluant, je passe alors à la production en série.

Dans les planches en ma disposition, je peux découper 3 pièces avec la découpeuse laser, je prépare donc un nouveaux fichier SVG à partir de mon original pour organiser tout cela. Je lance la découpeuse laser puis une fois les premières pièces produites, je les places une à une sur la fraiseuse numérique pour la seconde partie de la production, pendant qu’une nouvelle fournée est produites sur la laser. En deux heures de travail j’arrive à produire 25 pièces. Le temps de production total (découpe + fraisage + manutention) d’une pièce est d’environ 8 minutes, mais comme les deux machines tournent en parallèle, il me faut environ 5′ pour produire une pièce.

Les pièces ne sont pas tout à fait terminées, 2 opérations restent à faire : biseauter les bords latéraux à 45° (pour l’assemblage) et la mise en place des aimants (perçage puis collage). Je réalise ces opérations manuellement (car il me faudrait une fraiseuse 5 axes avec changement automatique d’outils pour entièrement automatiser la fabrication de ces pièces).

La dernière étape consiste pour moi à peindre les pièces. Afin de procéder rapidement, la majorité de la peinture est réalisée à l’aérographe, et pour aller encore plus vite, j’utilise un pochoir. En modifiant légèrement le fichier SVG de découpe laser, je crée un pochoir pour obstruer les cavités, dans une plaque MDF de 3mm. Celui-ci est maintenu en place avec de simples pincettes à linge.

J’ai également réalisé d’autres pièces (en découpe laser ou en impression 3D) pour disposer de tous les éléments nécessaires à la réalisation de ce kit de bâtiment. Grâce aux aimants, les pièces peuvent être assemblées et désassemblées rapidement (la totalité des pièces produites pour ce projet se range dans une boîte de 5L). En standardisant mes pièces, j’ai gagné en polyvalence d’assemblage.

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