Rechercher de l’information sur le Web

Tricot André, Rafenomanjato Jean, « Le numérique et le métier d’élève », Hermès, La Revue, 2017/2 (n° 78), p. 142-150. DOI : 10.3917/herm.078.0142.

L'article

Le fait que des données, incommensurablement plus nombreuses, soient accessibles à une vitesse incommensurablement plus rapide modifie profondément les tâches de recherche d’information. Il y a trente ans, cette activité était relativement coûteuse en temps, nous avions donc tout intérêt à bien savoir ce que nous cherchions sous peine de perdre beaucoup de temps. Le document que nous trouvions était généralement publié par un éditeur reconnu, et rédigé par un auteur compétent (c’est en tout cas ce que nous croyions, bien peu d’études à l’époque étaient consacrées à la vérification du bien-fondé de cette croyance). Avec le Web et les moteurs de recherche nous permettant d’y accéder, le temps a presque disparu. Le coût ayant extrêmement baissé, nous pouvons nous permettre de rechercher une information même sans bien savoir ce que nous cherchons. Et nous nous passons le plus souvent de l’intermédiaire d’un ou d’une professionnel(le) de la documentation. Ce faisant, nous accédons à des données dont la source n’est pas toujours facile à identifier, pas toujours compétente ni bien intentionnée. Ces modifications ne concernent donc pas que les élèves, mais notre environnement informationnel de citoyens de pays riches (Boubée et Tricot, 2011). Un élève peut rechercher même s’il ne sait pas bien ce qu’il cherche, un mot suffit pour lancer la requête et obtenir systématiquement un résultat.

De plus, ce but initial, qui peut être flou, évolue rapidement. Les limites de la mémoire immédiate des humains sont telles qu’au bout de 15 à 20 minutes, beaucoup d’élèves (et bien entendu les adultes) dans une telle situation ont même oublié leur but initial. De la sorte, ils pourront être tout à fait satisfaits d’avoir trouvé ce qu’ils ne cherchaient pas (Rouet et Tricot, 1998). La sous-tâche « évaluer la pertinence et la qualité du document sélectionné » devient cruciale. Le chercheur d’information n’a plus à gérer de problèmes de pénurie, mais un problème d’abondance.

Dans le cadre de cette tâche devenue quotidienne, banale, plus accessible mais pas nécessairement plus aisée pour tous (Cordier, 2015), les spécificités de la tâche scolaire de recherche d’information, par exemple l’importance de la vérification des sources, peuvent être difficiles à percevoir (Sahut, 2014). (p. 147)