Lecture à haute voix
Début janvier 2017 j’ai soumis à ma direction l’idée d’une rencontre entre nos élèves de 11ème et des enfants non-lecteurs des premières années de l’école primaire, autour du livre. J’ai eu le feu vert pour mettre en place, et un grand soutien logistique dans la prise de contact avec l’école primaire la plus proche du Cycle.
J’ai mis en place plusieurs étapes distinctes :
• Choix des livres
• Mise en place des duos d’enseignants
• Préparation avec les élèves du COFL
• Première rencontre
• Deuxième rencontre
Choix des livres
Il fallait un thème ample, qui puisse interpeller autant les adolescents que les petits.
J’ai décidé de faire une sélection d’albums sur la thématique du genre et du droit à la différence.
L’adolescent ressent la pression du groupe de jeunes, qui peut caractériser la personne selon son aspect physique, son origine, sa religion, et qui tend fortement à définir les droits et les devoirs de l’être social en fonction de son appartenance à un genre. Penser la différence : Genève étant une ville internationale, par la présence de Nations et par l’arrivée de nombreux migrants requérants, les jeunes vivent la multi multiculturalité au quotidien, sans forcément avoir le temps d’y réfléchir. Penser le genre : parce que l’adolescence est une période de la vie où les stéréotypes sont déjà très présents mais pas encore complètement intégrés, ce qui permet le débat analytique et constructif. Ne pas aborder ces thématiques en classe, mais par le biais de la lecture d’albums pour petits, permet une approche douce et décalée, non agressive, où chacun « se fait son idée » et ne l’exprime que s’il le souhaite.
De nombreux sites recensent des albums pour petits sur ces sujets. J’ai pu ainsi demander au SEM de me prêter un grand nombre de livres, et j’en ai acheté quelques-uns pour compléter la sélection proposée aux élèves.
Mise en place des duos d’enseignants
J’ai pris contact avec des enseignants de français, le pivot du projet étant le livre.
Dès le début deux enseignantes de La Florence étaient d’accord pour participer. Grâce à la prise de contact de ma direction avec le directeur de l’école Le Corbusier, des enseignants de l’école primaire ont manifesté leur intérêt. J’ai pris contact avec d’autres enseignants de La Florence, et trois ont rejoint le groupe. Le projet s’est donc mis en place avec dix classes, quatre de 11ème, une de 10ème, et cinq de l’école primaire.
Préparation avec les élèves du COFL
Dès la mi-février les élèves de 5 classes sont venus, de manière échelonnée dans le temps. La préparation s’est faite pendant plusieurs périodes.
• Prise de connaissance des albums en salle de lecture pendant les heures de lecture silencieuse. Chaque élève a lu au moins six des albums, la plupart en ont lu plus. Certains les ont tous lus.
• Description (C. Mendoza) des caractéristiques de la lecture à haute voix pour un inconnu, des savoir-faire et des compétences mis en jeu, et de leurs utilisations futures (p. ex. préparation d’un entretien d’embauche).
• Première lecture à haute voix en duo.
• Lecture à haute voix face au groupe, avec interventions des adultes pour expliquer les améliorations à apporter.
• Dans chaque classe un moment a surgi spontanément pour parler de la thématique des livres. Les élèves ont discuté sur l’existence de stéréotypes, bien réels, d’idées intolérantes ou homophobes, et de la souffrance qui peut en découler. Les enseignants et moi-même avons aussi pris la parole pour en parler avec eux et faire l’éloge du droit à la différence et à la vie privée.
• Deuxième lecture à haute voix en duo.
• Chaque élève a choisi « son » livre, qu’il se devait de posséder (terme emprunté au vocabulaire des conteurs).
Première rencontre
Par déférence envers les petits, les adolescents se sont déplacés à l’École Le Corbusier.
Dès le départ du COFL les enseignants ont remarqué une attitude nouvelle chez nos élèves, inattendue, positive, et renforcée par le contact avec les petits dans leur lieu de vie.
Chaque enseignante de l’école Le Corbusier a préparé de manière différente l’accueil dans sa classe.
Le nombre d’élèves n’étant pas forcément le même chez les petits, les groupes se sont formés, parfois en duo, parfois avec plusieurs petits pour un seul adolescent.
Chaque rencontre a duré 45 minutes maximum.
Deuxième rencontre
Une semaine plus tard les petits sont venus jusqu’au COFL. Nos élèves les ont accueillis, les ont fait une rapide visite guidée en allant vers la médiathèque.
Les salles de la médiathèque leur étant réservées pour l’occasion, j’ai pu préparer une table avec les livres, et trois autres où j’ai disposé joliment un goûter très varié, y compris de grands lapins en chocolat (mois de mars).
Pour commencer la séance, chacun de nos élèves a proposé à « son » petit (ou ses petits) de « marquer » les duos avec un petit tampon sur le dos de la main.
Chaque grand a pris « son » livre, et lorsque tous se sont retrouvés à la salle de lecture, ils ont eu le feu vert pour chercher un endroit dans la médiathèque où placer les coussins pour s’installer « en privé » et lire avec « son » petit, vers les fauteuils, sur les estrades ou près des baies vitrées, ou tout simplement dans la salle de lecture.
Dès qu’un groupe terminait de lire un livre, il venait le déposer et prendre un autre.
Une quinzaine de minutes avant l’heure du départ les enfants ont reçu la consigne de terminer leur lecture, puis les adolescents se sont chargés des petits, leur ont servi à boire, et se sont assurés qu’ils profitent bien du goûter.
Pour finir, les petits ont choisi comme souvenir un des petits tampons puis sont rentrés à l’école Le Corbusier, parfois accompagnés par les grands.
Ce projet de lecture à haute voix pour des élèves de l’école primaire a été un succès. Les enseignants, nos élèves, les petits, ont tous exprimé leur contentement.
Ce rendez-vous privilégié entre enfants et ados est renouvellé chaque année.