Le Dindon est joué pour la première fois en 1896 au Théâtre du Palais-Royal et son succès lui garantit de nombreuses reprises. 2025 : que faire de cette pièce écrite par le célèbre vaudevilliste Georges Feydeau ? Que dire du personnage de Pontagnac qui s’introduit de force chez Lucienne après l’avoir suivie dans la rue depuis huit jours sous prétexte d’un amour fou ? Essayons de comprendre : Lucienne prévient son mari Vatelin qui reconnaît en Pontagnac un vieil ami. Il se moque bien de la tentative du coureur de jupons, persuadé que sa femme lui restera fidèle. Elle le sera, si son mari l’est aussi. C’est déjà raté : Maggy, l’anglaise avec qui Vatelin a eu une aventure à Londres débarque à Paris et menace son ancien amant de tout révéler à son mari Soldignac s’il ne la rejoint pas à l’hôtel. Pontagnac et Soldignac, au courant de l’affaire, veulent les surprendre, l’un pour profiter de la vengeance de Lucienne, l’autre pour divorcer de son anglaise. Ajoutons Rédillon – meilleur ami de Vatelin – qui soupire, lui aussi, pour Lucienne, mais qui se console en s’appropriant Armandine, la conquête de Soldignac. Vous suivez ?..
La Suissesse et metteuse en scène Maryse Estier, à l’origine de l’adaptation, promeut la dramaturgie de Feydeau en la débarrassant de son maniérisme et des lourdes traces du XIXème siècle. Elle raconte comment la force des passions, surmontant quiproquos et rebondissements parfaitement entremêlés, révèle une sauvagerie inhérente à chacun·e. Cette folie contagieuse, levier de tous les rires, est incarnée par Pontagnac : le dindon – de la farce. Selon Estier, il est aussi ce monstre, mi-homme, mi-animal, qui attire les autres personnages dans sa sauvagerie. « Le Dindon », c’est ce que serait (est ?) le monde, quand il est régi par un fou-malade absolument dénué de surmoi[1]. La pièce ne repose sur aucun enjeu social ou moral et c’est ce qui la rend moderne. Le réel pouvoir : faire triompher les passions et sa propre justice, sans se faire pincer !
[1] Maryse Estier
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