Epidémiologie, étiologie et traitement

Dernière mise à jour: 12 novembre 2014

Cette pathologie est nommée « trouble bipolaire » dans les classifications actuelles de psychiatrie (CIM 10 et DSM IV-TR). Elles étaient précédemment désignées sous les termes de « psychose maniaco-dépressive » ou de « maladie maniaco-dépressive ».

La prévalence ou le pourcentage de sujets atteints de ce trouble dans une population générale est située, selon la littérature scientifique, autour de 1 à 1,5% (5, 7, 8 : les chiffres entre parenthèses se réfèrent aux ouvrages cités dans la bibliographie). Cette pathologie est rare chez l’enfant. Dans la population adolescente, la prévalence de cette affection est estimée à 1% (1, 5).

Le trouble bipolaire débute dans 30% (10, 11) des cas à l’adolescence, qui est l’âge du plus grand pic d’incidence (nombre de nouveau cas par an) de cette maladie. Dans 50 à 66% (10, 11) des cas, les personnes atteintes de troubles bipolaires disent avoir eu leurs premiers symptômes avant 19 ans.


Les symptômes cliniques

Le trouble bipolaire se définit par la récurrence, chez une personne donnée, d’épisodes dépressifs et d’épisodes maniaques ou hypomaniaques avec, entre les épisodes, des intervalles libres de toute manifestation pathologique.

On parle d’épisode maniaque quand un sujet présente une élévation considérable de l’humeur (joie ou gaîté exagérée) pendant plusieurs jours. Cette élévation de l’humeur s’accompagne d’une augmentation de l’activité physique et psychique en quantité et en rapidité. L’épisode maniaque est classiquement décrit en 2 niveaux de sévérité.

Le premier niveau est l’hypomanie. Cet état se caractérise par une élévation légère de l’humeur qui se traduit selon la CIM 10 (3) par :

  • une augmentation de la sociabilité et de la familiarité ;
  • un besoin important de parler ;
  • une augmentation du désir sexuel ;
  • une réduction du besoin de sommeil.

Chez l’adolescent l’augmentation de la sociabilité et de la familiarité peut être remplacée par de l’irritabilité ou des attitudes de supériorité (11). Ces symptômes, à ce stade, ne perturbent pas beaucoup le fonctionnement social.

Le deuxième niveau de l’épisode maniaque est la manie. Il se définit comme une élévation importante de l’humeur pendant au moins une semaine. Il s’associe selon l’ICM 10 à :

  • une hyperactivité tant motrice que psychique ;
  • une logorrhée (pulsion irrépressible de parole) ;
  • une levée des inhibitions sociales normales ;
  • des difficultés de concentration et une distractibilité ;
  • une augmentation de l’estime de soi avec des sentiments de grandeur ;
  • une réduction du besoin de sommeil.

La manie peut s’associer avec des manifestations psychotiques qui sont principalement :

  • des hallucinations ;
  • des sentiments de persécution ;
  • le délire.

A ce stade l’élévation de l’humeur a un impact conséquent sur le fonctionnement social.

Les épisodes dépressifs sont, dans le trouble bipolaire, en tout point comparables à ceux des troubles dépressifs avec, comme seule différence, qu’ils s’inscrivent dans le cycle de la pathologie bipolaire. Elles constituent simplement un autre visage de cette affection.

Un autre aspect clinique de la pathologie est la survenue d’épisodes mixtes qui sont l’alternance, sur une journée, de manifestation maniaque et dépressive.

Si on schématise en considérant la ligne médiane comme étant une ligne de base de l’état euthymique (humeur tranquille et sereine), les variations de l’humeur se classent en plusieurs sous-types du normal au pathologique. Les troubles bipolaires sont quant à eux classés principalement en 2 sous-types :

  • le trouble bipolaire type 1 qui est une alternance plus classique d’épisodes de manie suivis d’épisodes dépressifs ;
  • le trouble bipolaire type 2 est une alternance d’épisodes hypomaniaques et d’épisodes dépressifs.

Le trouble bipolaire type 2 est la forme le plus fréquente à l’adolescence.

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Schéma des troubles bipolaires (BP) tel qu’il est admis par l’American Psychiatric Association (1,9)

Sans traitement, cette maladie évolue le plus souvent vers une forme chronique avec en moyenne 4 épisodes au cours des 10 premières années de la maladie, mais sans intervalle régulier entre les épisodes (14). Par exemple, on peut avoir un épisode à l’âge de 15 ans, un autre à l’âge 17 ans et pendant 5 ans avoir un intervalle libre de toutes manifestations symptomatiques mais ensuite avoir deux épisodes consécutifs. Sans traitement un épisode maniaque dure en général quelques mois et un épisode dépressif dure plus de 6 mois (14). La survenue de ces épisodes peut prendre un aspect saisonnier avec des décompensations hypomanes l’hiver et dépressives l’été. Cette affection peut être associée chez l’enfant et l’adolescent à d’autres pathologies psychiques comme (1, 11) :

  • le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité dans 62 % des cas ;
  • les troubles anxieux dans 27 % de cas (principalement les troubles paniques) ;
  • les abus de substances dans 12 % de cas

Elle peut aussi s’associer chez l’adolescent et le jeune adulte à des troubles somatiques dans 30 % des cas (1). Les troubles somatiques les plus couramment rencontrés dans ces cas sont : le diabète type 2, l’obésité, l’asthme, l’allergie et les migraines.

Un grand problème de cette affection est le risque suicidaire. On estime en général que 20 à 50 % des patients font des tentatives de suicide et que 10-15 % d’entre eux vont mourir de suicide (1). Ces risques sont plus importants dans la période qui s’écoule entre le début de la maladie et le moment où est fait un diagnostic adéquat. Malheureusement, il s’écoule en général environ 8 à 14 ans entre le début de la maladie et l’établissement d’un diagnostic adéquat.


Étiologie

Le facteur déterminant le plus important dans la survenue de ce trouble est celui génétique. Il explique les situations d’agrégats de cas dans une même famille. En effet, si le risque d’être atteint de trouble bipolaire est de 1% dans la population générale, il est de 10% si un parent ou un membre de la fratrie est atteint de cette affection (12). Ce risque passe entre 70 à 75 % si les 2 parents en sont atteints (13). Les études de jumeaux montrent aussi que si un des jumeaux homozygotes souffre de cette affection, le frère est aussi atteint dans 65 % des cas (6). Dans le cas de jumeaux hétérozygotes ceci n’est le cas que dans 20 % des cas (6).

La génétique n’est néanmoins pas un facteur déterminant univoque du trouble bipolaire. La génétique ne transmet qu’une fragilité qui s’exprimera ou non en fonction des aléas environnementaux. Dans les éléments environnementaux, on distingue les éléments précoces avec notamment les éléments prénataux, obstétricaux et néonataux. L’exposition à des toxiques ou à certaines drogues durant la grossesse, des infections néonatales et des souffrances fœtales durant l’accouchement entrent dans cette catégorie de facteurs favorisant de cette affection.

Les éléments environnementaux tardifs peuvent jouer un rôle déclencheur de la maladie. Les facteurs environnementaux qui entrent dans cette catégorie sont :

  • les maltraitances ou les stress que vit l’enfant ou l’adolescent ;
  • l’exposition aux toxiques et aux drogues durant l’enfance ou l’adolescence.

Traitement

Les moyens thérapeutiques actuels permettent de modifier de manière notable la trajectoire de vie de ces adolescents. On arrive, avec un traitement adéquat, à permettre à ces jeunes de mener à terme une formation scolaire normale et à trouver par la suite une bonne intégration professionnelle et sociale. Cependant, ces traitements, pour être efficients, doivent se fonder sur une analyse précise de la problématique individuelle du jeune en question et s’adapter à chaque cas particulier. Il est important pour cela de consulter son pédiatre ou un médecin psychiatre d’enfants et d’adolescents. En règle général, ces traitements comportent 3 piliers essentiels : médicamenteux, psychothérapeutique (individuel et/ou familiale) et la psychoéducation.

Le pilier médicamenteux est principalement basé sur les stabilisateurs de l’humeur en continu et les antidépresseurs pendant les phases dépressives.

Le pilier psychothérapeutique est à envisager sur un long terme. La psychothérapie individuelle ou familiale permet de réduire les rechutes et évite ainsi la chronicisation du trouble. La période de l’adolescence est un moment d’importantes transformations du jeune et de ses liens intrafamiliaux qui peuvent être difficiles à traverser dans ces situations de grande fragilité psychique.

La psychoéducation est l’explication au jeune et à son entourage de son trouble, de l’effet de ses traitements et l’apprentissage d’une hygiène de vie qui aide à une meilleure santé psychique.

Une meilleure compréhension du trouble psychique et des soins par le jeune et son entourage contribue à déstigmatiser la pathologie et donne une meilleure alliance au traitement. L’adoption d’une meilleure hygiène de vie contribue à réduire les rechutes. Il s’agit concrètement d’un ensemble de mesures simples qui sont :

  • éviter la consommation d’alcool et de drogues, notamment le cannabis ;
  • avoir des horaires quotidiens réguliers des repas et du sommeil ;
  • éviter l’isolement social en s’intégrant dans des groupes variés ;
  • pratiquer du sport de manière régulière ;
  • consommer des acides gras oméga-3 qu’on retrouve par exemple dans les poissons gras ou le l’huile de lin ;
  • s’exposer quotidiennement à la lumière ou utiliser pendant l’automne ou hiver des lampes de luminothérapie qu’on retrouve actuellement à des prix de plus en plus abordable dans le commerce.